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Le livre de la semaine

12 juin 2011

LOLITA vs Scaron ?

9780739322062

Quid la sexualité en ce début de siècle ?

Il paraît que nous sommes libérés. Il paraît que l'ordre moral tenterait de revenir. Il paraît qu'il faut défendre chacun sa petite pratique personnelle, parce qu'une pratique personnelle serait aussi d'ordre politique.

On put entendre, le samedi 11 juin, Joseph Macé-Scaron, défendre son dernier ouvrage et sa thèse sur le sujet. Le voilà nous expliquant qu'il doit parler de la sexualité de son personnage, pour pouvoir vraiment rendre sa psychologie.

Soit. A vue de nez, pourquoi pas ?

A vue d'actualité, cela semble même pertinent. DSK n'est pas encore jugé, et a permis d'amener de l'eau au moulin du grand sujet de la sexualité de chacun. On peut se dire qu'effectivement, si on avait croqué les moeurs et habitudes du sieur avant que de le lancer en orbite dans la politique mondiale, nous y eûmes tous gagné, mademoiselle Diallo ne l'eût point rencontré et tout et tout...

Ce sujet fut pudiquement voilé, et voilà ce qui nous est arrivé.

Donc, la thèse de m'sieur Scaron paraît aujourd'hui plus que forte: pertinente et étayée par des faits. 

 

Alors d'où vient ce 'oui mais' qui me taraude ? Quoi de commun entre la sexualité putative de DSK et celle d'un personnage ou d'un tel ou d'une telle ? Si on reste sur le cas Sk, ce n'est pas sa sexualité qui importe au premier chef, mais plutôt la violence de celle-ci. On est dans une optique où le plaisir de l'un se fonde sur la violence faite à l'autre. Pas dans une optique de simple plaisir personnel partagé à un, deux, trente, de sexes indifférents.

Or, si on veut bien considérer que la sexualité, en général, est source de plaisir, et trouve son aboutissement dans le partage et l'échange de celui-ci, alors la sexualité a à peu près autant d'intérêt à partager et à décrire qu'un repas, une sieste, une super randonnée, le nouveau meuble truc ou la dernière déco x : intérêt quasi nul, donc, pour un lecteur.

- brisons là d'entrée, je ne suis pas dans les lecteurs qui s'extasient à la lecture de descriptions infinies de meubles, pièces, machins et sexualité non plus. Fondamentalement, je m'en fous. J'avoue. Fondamentalement, lire ma vie bien heureuse dans un livre bienheureux ne m'apporte pas grand'chose et ne m'en apprend pas plus. Diderot aurait avalé sa pipe et rangé sa robe de chambre s'il s'était douté que de son drame bourgeois sortirait quelques siècles plus tard un nouveau culte ennuyeux comme mille parapluies, celui de l'auto-fiction-portraitée et revendicative de 'qui je suis'. Passons.

 

Par contre, si on veut bien penser que Sk l'abominable supputé serait un personnage en conflit avec sa sexualité à lui, avec l'idée qu'il se fait de l'autre, avec son image publique, alors là, l'aspect commence à m'intéresser. La littérature ne ploiera pas sous le faît de l'auto-bonheur de soi et la critique de tous les méchants, mais sera basée sur : comment un homme est-il intimement fracturé ?

Alors, n'en déplaise à monsieur Macé-Scaron, non, la sexualité n'a pas plus d'importance que le mode de vie général et douillet d'un x choisi pour personnage. Eriger cela en dogme nous renvoie aux plus sombres expériences de Réalisme, qui échouent pas ennui généralisé. Causer de cul donnera peut-être un p'tit piment, mais ne servira, quand ce cul est heureux et assumé, qu'à émoustiller le lecteur. Mais faire comprendre le perso, pas plus que ça. Et si on prend cette option-là, alors on se contraint à expliquer quels sont les chaussons du personnnage, à quelle heure il les met, quelle est la température de sa douche, de son bain, quels parfums pour ces produits, quels aliments dans son placard, ses couleurs préférées et tout tout tout. 

 

Causer de sexualité n'est pas un combat en soi. Causer de sexualité comme Nabokov osa le faire dans Lolita, là on entre dans la Littérature, là on choque le passant, là on travaille à comprendre l'homme plutôt que le détruire.

Souvenez-vous : Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme. Lo-li-ta : le bout de la langue fait trois petits pas le long du palais pour taper, à trois reprises, contre les dents. Lo. Li. Ta. Le matin, elle était Lo, simplement Lo, avec son mètre quarante-six et son unique chaussette. Elle était Lola en pantalon. Elle était Dolly à l’école. Elle était Dolorès sur les pointillés. Mais dans mes bras, elle était toujours Lolita.

Lolita l'amour incandescent d'un homme pour une enfant. Lo, Lola, Dolly, Dolorès, et pour moi Lolita.... Lolita, la fuite d'un homme avec une enfant, les nuits d'hôtel, les souffrances, la jalousie, la folie, la passion, le meurtre. Page après page, vous êtes dans la peau d'un pédophile, et Nabokov ne vous laisse pas partir, ne vous laisse pas le lapider, et malgré vous, cet homme, vous le comprenez, vous compatissez, vous le suivez dans sa déroute et vous avez mal pour tous les deux, et lui et elle la petite, toujours vue et déformée par les yeux fous de son amoureux trop vieux qui ne comprend pas qu'il est vieux, qu'il n'est pas aimé, qui se transforme en monstre à ses propres yeux, qui la transforme elle en petit monstre égoïste, parce que cet amour ne lui permet pas d'avoir accès à Elle, à l'Autre - parce que Nabokov, avec son écriture magistrale, nous montre que l'Amour n'est pas le sentiment rose et tendre dont on nous rebat les oreilles, et, sans autres discours, nous le dit, que l'Amour c'est aussi la tentation de nier l'Autre.

On pourrait, pour le cas K, remplacer amour par désir.

Mais c'est ce rapport à soi et à l'autre qui importe. Pas la scène de cul décrite ou pas.

C'est focaliser sur ce qui importe qui fondera la littérature. Pas le combat d'arrière-garde pour choquer le bourgeois qui n'existe plus depuis longtemps. 

C'est jouer avec le lecteur qui donnera la grandeur. Le laisser penser, imaginer, comprendre méditer.

 

Qu'est-ce que cette littérature qui considère son lecteur comme un abruti, qui l'embarque dans des combats qui n'en sont pas, qui, à force de militantisme, le force à cacher son ennui ? 

 

Donc, en  cette semaine où le monde se noie sous la sexualité c'est pas bien, je vous propose de relire LOLITA.... 

 

 

 

 

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